En ces temps, à ne pas sortir un kayak dehors, et où la lecture permet de patienter jusqu’au retour du beau temps (généralement il revient vite dans le sud), avant de clore définitivement le chapitre 2017, voici retracée la belle aventure vécue au mois de septembre par 15  des nôtres…

« El giro de Menorca » (13-24 septembre 2017)

Cette année le « Raid d’été » du CK83 avait pour destination les Baléares, plus précisément Minorque avec pour objectif d’en effectuer le tour complet. Rompu à ce type d’expédition, en bon chef d’orchestre, Gérard avait minutieusement préparé l’épopée ne laissant qu’une place minimum aux imprévus. Itinéraires, réservations, provisions, matériel et préparation physique, tout avait été fait pour que nous soyons fin prêt…

Mercredi 13 septembre: J1 – « C’est parti »

Rendez-vous était donné pour un départ 8:00. Le mistral persistant depuis plusieurs jours n’avait pas faibli mais il faisait beau. La remorque portant nos 8 kayaks avait été préparée la veille, il ne restait plus qu’à faire entrer victuailles et effets personnels dans les 4 véhicules, tout en préservant une petite  place pour chacun des 15 participants. Exercice difficile mais réalisable, et c’est avec quelques minutes d’avance que nous prenons la route en direction de Barcelone (580 km dixit Google Map).  A noter, une fois n’est pas coutume, que ces dames nous sont supérieures en nombre: 8 à 7.

Voyage sans encombre jusqu’à destination, ponctué de quelques haltes plus ou moins longues pour satisfaire les envies, les besoins, le timing afin d’être au port de Barcelone à l’heure voulue.

Deux voitures attendront au parking « le retour des aventuriers », tandis que les 2 autres seront du voyage en ferry jusqu’à Minorque. La soirée et la nuit à bord passent plus ou moins vite selon que le sommeil aura ou non été trouvé par chacun installés dans les confortables sièges inclinables (ça reste des sièges) que nous avions réservé.

Jeudi 14 septembre: J2 –

Réveil très matinal au son d’une voix criée au microphone vers 5:00 du matin, où l’hôtesse rappelle dans toutes les langues aux passagers débarquant à Majorque de ramener la clé à l’accueil… Vers 8:00 arrivée au port de Ciutadella. Il faudra la matinée pour transiter vers la mise à l’eau, au fond d’un vieux port plein de charme, remplir le fond et le pont des kayaks, déposer les véhicules à l’auberge de jeunesse où nous passerons les 2 derniers jours du « trip ». La surcharge est proche pour certains kayaks, dépassée pour d’autres…

Notre remue-ménage attire 2 garde-cotes qui nous mettent en garde de la montée du vent et de la mer,  mais qui se trouvent rassurés de nous savoir partir par Sud. Consignes de navigation donnés « cap au sud », par vent de travers et houle montante (favorable à la navigation). Nous nous tenons à distance des falaises afin d’éviter clapot et ressac, leurs tailles diminues au fur et à mesure de notre progression. Ce régime tiendra jusqu’au passage du cap d’Artrutx à l’extrémité Sud-Ouest de Minorque. La côte sud est inhospitalière et trouver un point de halte prendra du temps, beaucoup de temps: nous mangerons à l’espagnol, en milieu d’après-midi sur la plage de Son Saura après un débarquement épique sur un épais tapis de posidonies. Suivra une courte navigation pour atteindre le lieu de notre 1er bivouac à Cala Turqueta. Une très belle calanque: sable fin et doux, abritée, pinède, palmiers, chevaux, chèvres, chats, tables, poubelles, toilettes… Tout y est !

Vendredi 15 septembre: J3 –

Réveil 6:30. Navigation durant 3:30 le long d’une côte basse, sous le soleil malgré quelques nuages menaçant. Nous longeons la longue plage de Son Bou où nous faisons halte vers midi pour déjeuner: eau turquoise, nuages grossissant et beaucoup de promeneurs. Il nous faudra ensuite 3 nouvelles heures de navigation sous un ciel d’orage, un vent Nord-Est « établi »,  le long de falaises creusées de grottes (coves) comme à cala En Porter pour rejoindre cala Biniparatx où nous arrivons peu avant la pluie. Nous nous réfugions dans une grotte creusée à mi pente, juste assez grande pour nous accueillir tous. Le repas est pris bien au chaud, puis la nuit sera venteuse et pluvieuse…

samedi 16 septembre: J4 –

Sous une pluie intermittente le bivouac est plié et nous prenons la mer vers Mahon. Un temps protégé par la terre d’un vent venant du Nord, c’est après le contournement de la pointe Sud-Est de Minorque, en laissant sur tribord l’ile de l’Aire, que nous nous retrouvons confronté à l’élément: un vent de face et un fort clapot le long de falaises grises et  tourmentées. Il pleut, ça mouille, mais heureusement la mer n’est pas trop mauvaise. Soulagés et trempés nous arrivons à l’entrée du chenal de la baie de Mahon. Une régate de beaux voiliers s’engage, ils tirent quelques bords puis reviennent. Nous naviguons sous la Mola, glissons sous l’ile du Lazaret et son canal, profitons du paysage et arrivons sous les contreforts de la ville. L’eau est aussi calme qu’un lac, ça nous change ! Nous accostons au port, au milieu des bateaux. Pas facile de se changer sous la pluie. Nous optons pour un resto sympa « Chez Pierro » où le chauffage de terrasse est apprécié des plus frileuses… Quelques courses plus tard, le soleil est de retour et nous en profitons pour visiter la rade et nous diriger vers notre lieu de bivouac. Le Kayak de Caro et Pierrot ne répond plus aux commandes (problème de gouvernail). La soirée se passera à l’abri, un hôtel sans matelas pour Sophie, même avec les rustines… (« dur, dur ! » le sol.)

Dimanche 17 septembre: J5 –

Départ tardif  vers 9:30 sous le soleil et par mer calme. Une petite halte pour un café (ou une bière) au petit village de Sa Mesquida.  La côte est très découpée, à midi nous contournons l’île d’En Colon sans vraiment s’en rendre compte tant le découpage est important. Nous débarquons non loin d’une tour sur une très belle plage de sable. L’eau allie le bleu et le vert, baignade pour tous… Un photographe français s’invite à notre table, nous parle de sa passion: la photo au plus près de l’eau. Il exposera (Bernard Vinceneux) à Cuitadella durant notre passage retour. Sieste pour les uns, balade ou petit galop pour d’autres…

Petit visite pédestre à Es Grau après seulement quelques coup de pagaie. Un bien joli village, typique, les boutiques n’y sont pas légions, les bars non plus, pourtant nous y trouvons un improbable magasin de kayaks très bien achalandé.

Retour sur la plage où nous avions déjeuné pour le bivouac, elle est bordé par le Cami de Cavalls (chemin des cavaliers) qui fait le tour de l’ile de Minorque. Un superbe cheval noir passera près de nous au couché du soleil.

Lundi 18 septembre: J6 –

Navigation tranquille jusqu’au cap de Favaritx et son immanquable phare. Vent de Sud-Ouest et rase-cailloux. Après le cap le vent a forci progressivement jusqu’à Na Mascaret, petit village touristique où nous faisons une halte « apéro – tapas » au bar El Raco. Nous goutons à l’anémone frie, aux couteaux de mer et d’autres spécialités locales (les avis se partagent: gout, texture, etc…).

Le vent redouble de force et bascule de Sud-Ouest au Nord. Les orages lointains approchent et s’abattent sur la côte: pluie et grain le long des falaises découpées.On coupe la baie d’En Castel (station balnéaire), Son Saura, puis « enfin » Cala Pudent. Une plage sauvage, il fait presque beau… mais l’eau est chaude.  La soupe chaude remplace avantageusement le goûter !

Mardi 19 septembre: J7 –

Départ de la Cala Pudent sous un ciel très gris. Le vent du Nord n’a pas faibli, nous savons que »ça va secouer! ». Notre objectif est de rejoindre Fornells et nous devons franchir le cap à l’extrême Nord Nord-Est de l’ile. L’appréhension gagne du terrain… Le contournement du cap sera un point culminant de notre épopée. La mer est « démontée », nous croisons un orage, nous naviguons dans une mer creusée entre sac et ressac, on s’accroche à la pagaie, il y a des kayaks à tous les étages, du jamais vu pour tous… Cependant pas d’alternative car il était devenu aussi délicat de progresser que de rebrousser chemin.  Après « seulement » 1:30 de combat, nous entrons dans la baie de Fornells en croisant les derniers hauts fonds qui en barrent l’entrée et agitent aussi les eaux: Bravo à tous !

Après l’effort vient le temps du réconfort, cafés et chocolats chauds à volonté. Sophie dégottera dans un bazar un superbe matelas gonflable, lui laissant espérer des nuits plus confortables que les dernières. C’est sur une petite plage de sable face à Fornells que nous ferons halte jusqu’au lendemain. Ce temps de détente bien mérité sera mis à profit pour une baignade (l’eau reste à 25°) ou pour une promenade au sommet de la falaise et y revivre d’en haut nos exploits du matin.

Mercredi 20 septembre: J8 –

La nuit est hachée pour certains, le vent, le ressac et la fraicheur jouant les perturbateurs. Il fait toujours nuit lorsque le réveil sonne à 6:00,  le départ est prévu au petit jour car l’étape est longue. C’était sans compter une fois encore sur les éléments, à la sortie de la baie de Fornells la mer est toujours fortement creusée sur les hauts fonds et invite à prudence. Gé décide de temporiser et remettre le départ à plus tard. Après concertation et ré étude de la météo nous effectuons un second départ, ce sera le bon, en fin de matinée.

Passage du cap Cavaliera, le plus au Nord de Minorque, et à la silhouette si particulière. La mer se calme mais une houle du Nord demeure. La façade Nord de l’ile offre beaucoup moins de réchappes (lieu où l’on peut accoster facilement) que la façade Sud. Enfin le vent faibli, « ouf », mais il faut encore pagayer pour rejoindre Algayarens. Au final nous comptabiliserons 4:30 de navigation, effectuée en une seule traite. Le débarquement est épique, sur fond sablonneux, chargé de posidonies, accompagné de vagues déferlantes… A chacun son tour !

La plage est très belle, orientée Sud-Ouest, bordée d’une dunes et ses hautes herbes, encadrée de collines couvertes de pins. Le sable s’invite une fois de plus dans notre matériel. L’eau à boire menace de manquer pour le petit déjeuner du lendemain, Eric cours acheter quelques bouteilles au village voisin, à cala Morel, en empruntant  « el cami de cavalls » (13 km aller-retour). Parti sans eau il boira 1/4 de celle trouvée et reviendra avec 3 litres d’eau fraiche, suffisant éviter une restriction…

Jeudi 21 septembre: J9 – Equinoxe, dernier jour de l’été, dernière étape.

Retour vers Ciutadella, la mer est assez calme et autorise que l’on s’approche des falaises. Nous pouvons même accéder à quelques grottes, raser quelques cailloux. Court arrêt technique à cala Morel, le gouvernail de Michèle et de Guy donnant des signes de faiblesse. Dernier cap, le phare de Punta Nati, passage sous une arche géante  et arrivée à Ciutadella: la boucle est bouclée !  Un dernier et copieux pique-nique à la cale de l’école de voile, très moderne, au pied d’un quartier chic . Avant de débarquer, et pour contrer l’idée que le chargement sur le pont  interdirait celui-ci de remonter en cas de dessalage, Eric démontre par un esquimautage dans les eaux troubles du port qu’il n’en est rien.

Débarquement sur le bout du port et soirée à « l’Albert juvenil Sa Vinyeta »: douches (wouah !!!), repas et boissons fraiches (re wouah !!!).

Vendredi 22 septembre: J10 –

C’est en voiture que nous nous déplaçons pour visiter un peu Minorque. La Navette des Tudons, le village de Alaior sa cathédrale et ses chaussures dans les rues, le site talayotique de Toralba d’En Salort.  Suivra un arrêt à Ferreries pour visiter la fabrique d’avarcas (minorquines) Ria Minorca, et céder aux tentations… La journée se termine par une visite libre de Ciutadella en soirée avant tous de se retrouver pour diner dans un très beau restaurant, tout en  voutes de pierres, et y déguster une paêlla (porcine ou aux fruits de mer) arrosée de Sangria.

Samedi 23 septembre: J11 –

Y’a des jours où tout commence mal… Après l’agitation générale (quoi que…) due au rangement et au nettoyage des chambres, après la prise d’un rapide petit déjeuner, à l’heure du départ vers le port pour prendre le ferry la voiture de Nathalie refuse de démarrer. On pousse, repousse, rien n’y fait: la tuile ! Pourtant il faut partir au risque de rater l’embarquement, on s’organise projetant faire 2 navettes avec le véhicule de Gé. La 1ere palanquée déposée, on repart chercher le reste de la troupe, sur la route le téléphone sonne  « il faut embarquer! maintenant! », le temps s’accélère on est en retard visiblement le ferry partira plus tôt que prévu, Aïe, aïe, aïe ! c’était sans compter sur notre MacGyver à nous: Jacky. Avec un couteau et un petit fils de cuivre il a fait repartir la voiture capricieuse: bravo. Le temps presse toujours, nos 2 véhicules sont les derniers à embarquer, les piétons sont à bord excepté Nath qui se voit refuser l’accès. Il est heureux qu’elle maitrise la langue car malgré cela elle a eu toutes les peines du monde à franchir le barrage que lui opposait le préposé à l’embarquement sous prétexte qu’il était trop tard. Ouf ! On a frôlé l’éclatement du groupe mais on est tous à bord direction Barcelone.

Traversée tranquille, repas à bord, sieste, lecture ou musique au goût de chacun. Nous arrivons légèrement en avance sur le continent, la voiture de Nathalie va t-elle démarrer (yes!) , tout le monde débarque. S’en suit une longue attente pour les uns, une longue marche pour les autres partis récupérer les 2 voitures laissées au parking au début du raid. Enfin nous prenons la route pour rejoindre le camping « Globo rojo » à Canet de mar où nous avions réservé et étions attendus. Une fois installés, nous prenons un bon repas au restaurant du camping resté ouvert pour nous, puis « au dodo ! ».

Dimanche 24 septembre: J12 – « the end »

Journée « retour au Brusc » par la route, sans trop d’encombre, même si la voiture de Nathalie, toujours elle (la voiture), aura ralenti le convoi à plusieurs reprises en raison d’un bruit inquiétant qui se révèlera par la suite être du à des pneus « carrés » (déformés et engendrant un bruit de roulage anormal) .

Un grand merci à nos photographes pour leurs épreuves, à Delphine et Sophie pour leurs p’tit carnet et journal de bord, à Sophie encore pour ses « crayonnages » et à tous les participants sans qui cette formidable aventure n’aurait pas était celle-ci… 

Enfin merci à Gérard pour nous avoir concocté ce raid inoubliable et merci au CK83 pour avoir soutenu ce beau projet. 

Maintenant nous pouvons tourner la page 2017 et scruter l’horizon 2018…